Political Parties in Lebanon

L'ouvrage, sous la direction du professeur Antoine Messarra: Partis et forces politiques au Liban. Engagement et stratégie de paix et de démocratisation pour demain (Beyrouth, Librairie Orientale, 592p.), comporte les résultats d'une recherche collective et les actes des 10e et 11e séminaires organisés par la Fondation libanaise pour la paix civile permanente, en coopération avec la Fondation Konrad Adenauer. Ont participé à la recherche 27 auteurs et 15 dirigeants de partis politiques. En outre, deux séminaires ont rassemblé plus de 200 universitaires, responsables de forces politiques et acteurs sociaux de toutes les régions du pays .

L'ouvrage comporte une approche comparative du phénomène partisan aujourd'hui (Ch.1), une enquête par sondage sur l'engagement politique et partisan au Liban (par Abdo Kahi, Ch.2), des entretiens avec
15 responsables de forces politiques (par Tony Atallah, Ch.3), et une série d'analyses historiques et prospectives sur les partis libanais (par Farid el-Khazen, Issam Sleiman, Chawkat Schtay, Saoud Maoula..., Ch. 4).

Il s'agit d'un ouvrage de référence indispensable pour la connaissance de la vie politique au Liban. En exergue de l'ouvrage une citation de Joseph Moghaizel qui a participé, le 11mars 1995, aux travaux préparatoires: "Il est temps que nous réfléchissions à nouveau notre vie politique et de penser sérieusement à la réforme des partis politiques. Le problème, fort actuel, concerne au plus haut point la jeunesse et l'avenir de la démocratie dans le pays ".

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Le professeur Antoine Messarra, coordinateur de la recherche, souligne dans l'introduction de l'ouvrage :

" Poser le problème des partis politiques à un moment où les Libanais ne sont pas encore guéris des partis-les années de guerres ayant saccagé et discrédité les partis, eux-mêmes victimes d'une conflagration qui au fond les dépasse-, c'est pénétrer au coeur de la construction démocratique d'après-guerre. Cette construction, si nécessaire pour la survie du Liban pluraliste que nous connaissons, est menacée. Dans le Liban d'aujourd'hui, la participation politique, pourtant indispensable à la reconstruction dans tous les domaines, est en crise, pour plusieurs raisons, après plusieurs années de mobilisation politicienne, de militarisation milicienne effrénée, d'illusions et de désillusions, autant libanaises qu'arabes .

" Les partis et leurs organisations militaires ou para-militaires ont rempli des fonctions au passé, ou ont été acculés malgré eux à les remplir, mais la garantie de l'avenir ne peut se fonder sur la reproduction de structures qui transforment le Liban en un prêt-à-porter conflictuel .

" Une triple menace justifie la réflexion en profondeur sur les partis :

" 1. La société civile, formée principalement des associations non directement liées à l'appareil étatique, y compris les associations primaires (famille, tribu, communauté...), ne peut à elle seule protéger la démocratie qui risque d'être de plus en plus érodée par un Etat qui, en raison d'une conjoncture régionale, n'est pas maître de ses décisions .

" 2. L'inégalité dans la représentation partisane au Parlement doit être compensée par d'autres groupements afin d'éviter ses répercussions sur les équilibres libanais fondamentaux .

“3. La continuation du système des partis sur des clivages exclusivement communautaires, et même renforcées, offre le terrain fertile à la confessionnalisation de tous les problèmes à l'avenir et à la reproduction de la guerre, dans sa dimension interne, par les mêmes moyens. De grandes organisations partisanes ont vécu et persisté, en alimentant la peur et la prétention à protéger les Libanais contre un danger qui provient de l'autre et à récupérer des droits de l'autre. Il est normal et démocratique que dans une société multireligieuse, il y ait des partis confesionnels qui expriment des intérêts légitimes de leurs adhérents, mais il n'est pas normal que dans une société où les relations intercommunautaires sont solides, grâce aux traditions de convivialité, à l'exiguïté du territoire et aux intérêts culturels et socio-économiques enchevêtrés, que des partis communautaires accaparent la scène et usurpent d'autres types d'intérêts. Le danger majeur pour le Liban réside moins dans le confessionnalisme, que dans la politique confessionnelle d'une élite partisane au sommet .

" Nombre d'épouvantails du passé, réels ou fictifs, ont aujourd'hui disparu. Mais des dangers profonds subsistent contre lesquels il faut, non pas éveiller les instincts d'auto-défense, mais le courage politique et le sens de la prospective et de la planification .

" Les guerres multinationales au Liban depuis 1975 se sont répercutées sur les partis à des degrés divers et les ingérences extérieures influent sur l'autonomie des partis. Il appartient aux grands partis d'être en interaction avec une nouvelle génération de citoyens qui ont une vision différente de la chose publique qu'en 1920, 1943, 1975, 1980 et 1989 .

Le substitut aux changements est la persistance du sentiment de frustration et d'aliénation de la population, sentiment incompatible avec un climat démocratique .

L'unité des sociétés de concordance ne réside pas seulement dans un système rationalisé de partage du pouvoir, une élite consciente des latitudes et limites du système, mais aussi dans l'existence d'organisations suffisamment représentatives et capables de négocier et de contenir les effets négatifs du pluralisme. L'avenir de la paix intérieure et de la démocratie libérale au Liban dépendra ainsi des partis et forces politiques qui, malgré toutes les réserves et les contraintes d'une histoire riche et mouvementée, ont été des piliers du pluralisme démocratique au Liban.